La tentaculaire main de Bouddha (Citrus medica var. sarcodactylis) n’est pas issue d’une hybridation mais d’une mutation naturelle et spontanée du cédratier (Citrus medica L.), advenue en Chine il y a très longtemps : au lieu de rester rond ou ovale, le fruit s’est scindé en « doigts » charnus et pointus, plus ou moins nombreux selon les spécimens.
Les cédrats sont présents dans plusieurs grandes traditions religieuses, mais la forme de la main de Bouddha en fait un agrume à part. Sacrée en Asie depuis longtemps, elle est utilisée en guise d’offrande dans les temples bouddhistes ou à l’occasion du Nouvel An chinois. Plus prosaïquement, elle peut, en Chine et au Japon, parfumer intérieurs et vêtements.
En cuisine, elle ne manque pas d’atouts. Dépourvue de pulpe, elle constitue à elle seule une ode à l’albédo (partie blanche de l’agrume) : celui-ci est doux, légèrement sucré, sans trace d’amertume. Le zeste, très aromatique, dégage des notes de citron et d’orange, voire de clémentine.
Les « doigts » peuvent être râpés pour parfumer un plat de poisson, une salade, une mousse au chocolat ou une crème pâtissière.
La « paume », taillée finement au couteau ou à la mandoline, revêt une apparence très graphique. Elle est délicieuse crue, en carpaccio, avec une bonne huile d’olive, de la fleur de sel, du poivre fraîchement moulu et quelques herbes, et pourquoi pas des filets d’anchois marinés au jus d’agrume. Elle peut également être taillée en julienne pour agrémenter une salade, par exemple de carottes, ou doucement confite dans un sirop.
La cheffe Alice Waters, dans L’art de la cuisine simple II (Actes Sud, 2022), en fait des pickles vinaigrés : de la main de Bouddha finement tranchée à la mandoline, une marinade à base d’eau, vinaigre de vin blanc, sel et aromates portée à ébullition pendant 1 mn puis versée sur le fruit, une macération dans un bocal fermé, et le tour est joué.
À conserver au frais et à hacher dans un tartare de poisson, des légumes marinés, une tapenade ou une salsa verde.